Zoom sur... l'hydrologie

La puissance délivrée par une centrale hydroélectrique est proportionnelle au débit turbiné. Il est alors indispensable de déterminer le débit qu'il est possible de turbiner pour dimensionner le projet hydroélectrique et estimer le productible. Il s'agit donc en premier lieu de connaître le débit disponible dans la rivière et ses variations.

Remarque : l'hydrologie au sens général correspond à l'étude de l’eau dans la nature. Ici on ne se limite qu'à une définition restreinte de l’hydrologie qui concerne l'aspect utile au projet hydroélectrique, à savoir la variation du débit du cours d’eau.


Enjeux

L'étude de l'hydrologie fait partie des étapes préliminaires à tout projet hydroélectrique. Sans cela, il n'est pas possible de déterminer les caractéristiques techniques des ouvrages ni même d'estimer la production prévue. En effet, le type et la taille de la turbine, la dimension des ouvrages de génie civil, les équipements de vantellerie, etc... dépendent du débit disponible et de l'utilisation qu'il est possible d'en faire. L'étude de la distribution des débits est nécessaire pour déterminer le débit d'équipement de la centrale hydroélectrique qui optimise le dimensionnement et la production d'énergie.

Toute centrale hydroélectrique doit avant tout garantir en permanence un débit réservé dans la rivière, c'est-à-dire un débit minimum obligatoire pour le bon fonctionnement des écosystèmes (vie aquatique, migration piscicole, transit sédimentaire, ...) et pour les autres usagers de la ressource en eau (eau potable, irrigation, loisirs, ...). Ce débit réservé est fixé d'après l'hydrologie du cours d'eau et notamment d'après des critères se basant sur le module (le débit moyen) ou sur des débits d'étiage (débits en basses eaux).

Enfin, pour la sécurité des personnes et des biens, il est nécessaire de vérifier que le projet hydroélectrique ne détériore pas la situation en période de crue et que la capacité d'évacuation est préservée. L'ouvrage de retenue et les organes de décharge sont dimensionnés en fonction des débits de crue.


Aperçu des phénomènes en jeu

Le débit d'une rivière dépend de différents phénomènes physiques qui ont lieu sur le bassin versant :

  • précipitations (pluie, neige, ...)
  • interception de l'eau et évapotranspiration des végétaux
  • ruissellement sur le sol et infiltration
  • écoulement de subsurface et écoulement souterrain
  • stockage de l'eau (lacs, nappe souterraine, couverture neigeuse et glaciaire)

Le bassin versant de la rivière à un endroit donné se définit par la surface sur laquelle les précipitations peuvent contribuer au débit de la rivière (et de ses affluents) à cet endroit.

Le débit dépend donc de l'altitude et de la pente, de l'utilisation de la surface sur le bassin versant (couvert végétal, urbanisation) et de la nature du sol. Le débit d'une rivière varie en fonction des conditions météorologiques qui influent sur ces différents phénomènes.

Face à la complexité des phénomènes en jeu et à leur interdépendance, il est extrêmement compliqué de modéliser l'ensemble du système hydrologique pour calculer le débit en fonction de diverses sollicitations météorologiques.

C'est pourquoi l'étude de l'hydrologie repose généralement sur l'analyse des données de débit observées sur une période suffisamment longue (plusieurs décennies), lorsque ces chroniques de données historiques sont disponibles.


Variation du débit

Le débit d'une rivière varie constamment et considérablement au sein d'une année, d'une saison, voire même d'une semaine. Les valeurs de débits peuvent aller d’un facteur 1 à 300, entre les valeurs basses qui caractérisent l'étiage et les valeurs hautes extrêmes qui caractérisent les crues.

Pour décrire l’hydrologie d’un cours d’eau, on peut se servir de grandeurs caractéristiques, telles que le module et les débits mensuels qui sont des « résumés »statistiques.

Le module, encore appelé module interannuel, correspond au débit moyen sur une période de plusieurs années. Il donne un premier ordre de grandeur du cours d'eau et du site étudié. Par exemple, le module de la Leysse en sortie de Chambéry s'élève à 6,3 m3/s, celui de l'Isère à Grenoble à 179 m3/s.

Les débits mensuels représentent la moyenne des débits de chaque mois pour une période de plusieurs années. Le diagramme des débits mensuels donnent une idée des variations saisonnières et des périodes de basses eaux et de hautes eaux. Pour les cours d'eau de faible altitude, les basses eaux ont lieu plutôt en été et les hautes eaux en hiver alors que pour les cours d'eau de montagne influencés par la fonte des neiges, les hautes eaux ont plutôt lieu en fin de printemps et les basses eaux en hiver.

Toutefois ces moyennes ne donnent qu'une image partielle de l'hydrologie car elles ne rendent pas compte de la grande variabilité des débits. D'autres grandeurs caractéristiques, déterminées par une analyse statistique plus poussée, apportent des informations complémentaires sur la répartition des débits et sont décrits dans les paragraphes suivants :

  • les débits classés
  • les débits de crue
  • les débits d'étiage


Débits classés

Les débits classés donnent une représentation de la variation des débits et fournissent un outil pratique intéressant pour dimensionner le projet hydroélectrique et calculer le productible. Plutôt que de travailler sur l'ensemble des valeurs de débit de la période considérée (10 950 débits journaliers sur 30 ans par exemple), il s'agit alors de travailler avec un ensemble de débits caractéristiques représentatifs de la période considérée.

Ces débits caractéristiques sont nommés débits classés car ils se calculent en triant par ordre croissant l'ensemble des valeurs de débit de la série temporelle considérée. Chaque débit classé associe une valeur de débit à une proportion du temps. Par exemple, le débit classé Q10% renseigne qu'en moyenne 10% du temps le débit de la rivière est inférieur à Q10%.

En pratique, il est courant d'exprimer la proportion du temps en nombre de jours par an plutôt qu'en pourcentage. Les débits classés Q0 à Q364 sont ainsi utilisés pour définir une année statistique type représentative de la période considérée. Le débit classé Q330 renseigne par exemple que le débit de la rivière est en moyenne 330 jours par an inférieur à Q330.

Les débits classés offrent un bon compromis pour le calcul du productible car ils présentent l'avantage d'une lecture plus aisée du fonctionnement de la centrale hydroélectrique.

La réglementation peut également se référer à certains débits classés. En Allemagne par exemple, la passe à poissons doit être fonctionnelle de Q30 à Q330. Remarque: En Suisse, les débits sont classés dans l'ordre décroissant. Le débit classé Q347 qui est utilisé pour déterminer le débit résiduel (débit réservé) correspond au débit atteint ou dépassé statistiquement 347 jours par an.


Crues

Une crue est une augmentation importante du débit d'un cours d'eau, due par exemple à de fortes précipitations ou à une fonte des neiges importante, qui provoque une montée des eaux. L'étude des crues et des risques qui en résultent font l'objet d'une attention particulière dans l'aménagement du territoire, notamment avec l'élaboration de plans de prévention par l'autorité publique.

Dans le cadre d'un projet hydroélectrique, l'enjeu réside dans le dimensionnement des organes de décharge du barrage et dans la connaissance des niveaux de crue pour aménager la centrale hydroélectrique et faire en sorte que les équipements et les accès se trouvent hors de portée des crues.

Les banques de données hydrologiques fournissent non seulement les valeurs des crues historiques mais également des débits statistiques de crue qui sont nommés couramment d'après leur période de retour : crue biennale (HQ2), crue décennale (HQ10), crue centennale (HQ100)... La période de retour d'un événement tel une crue est liée à sa probabilité de se produire. Une crue décennale a tous les ans une chance sur 10 d'arriver, une crue centennale une chance sur 100, etc...

Ces débits statistiques de crue sont utilisés pour dimensionner les organes de décharge (déversoir, vannes, clapets, ...) et déterminer la régulation du plan d'eau amont en période de crue.


Étiages

Les étiages, également appelées basses eaux, correspondent aux périodes de faibles débits dans le cours d'eau suite à l'absence de précipitations ou de fonte des neiges.

Les enjeux liés à l'étude des étiages sont multiples : gestion de l'alimentation en eau potable, maintien de la vie aquatique, réglementation des loisirs sur le cours d'eau, dilution des rejets de stations d'épuration, etc...

Les enjeux spécifiques au projet hydroélectrique concernent le débit réservé qu'il est nécessaire de laisser dans le cours d'eau pour l'écosystème et les autres usagers, ainsi que le dimensionnement des ouvrages de continuité piscicole (passe à poissons de montaison et de dévalaison).

Différents débits caractéristiques d'étiage peuvent être définis. On peut citer le débit mensuel minimal annuel QMNA qui correspond au débit mensuel le plus faible des 12 mois d'une année.

Il est souvent intéressant de caractériser la durée d'un étiage et de définir des débits minimaux sur un nombre de jours consécutifs. Par exemple, le débit VCN10 est le débit minimal annuel calculé sur 10 jours consécutifs.

De la même façon que pour les crues, il est courant de définir à partir de ces grandeurs, des débits statistiques associés à une période de retour. Par exemple, QMNA5 correspond au QMNA qui a une période de retour de 5 ans et sert souvent de débit d'étiage de référence en France.